Contrat d’approvisionnement exclusif : la contrepartie du fournisseur ne doit pas être dérisoire
Le contrat d’achat exclusif de boissons liant un exploitant de café-restaurant à un fournisseur n’est pas nul si le fournisseur s’est effectivement engagé à des contreparties substantielles. C’est ce qu’a rappelé la cour d’appel de Bourges dans une décision récente, en rejetant la demande d’annulation du contrat pour absence de cause valable.
L’exploitant contestait la validité du contrat au motif que les obligations de son cocontractant étaient, selon lui, dérisoires au regard de son propre engagement d’achat. Toutefois, la juridiction a considéré que les prestations promises par le fournisseur justifiaient l’exclusivité consentie.
Des contreparties jugées réelles et substantielles
Le fournisseur s’était engagé à fournir un prêt sans intérêt de 40 000 €, remboursable sur 72 mois, ainsi qu’à mettre à disposition du matériel professionnel (tireuse à bière, machine à café, armoires réfrigérées), déclaré pour une valeur de 10 000 €. Il offrait en outre des remises annuelles de 80 € par 1 000 litres de bière vendue et une remise de 17 % sur une partie du chiffre d’affaires.
En contrepartie, l’exploitant s’était engagé à acheter exclusivement ses boissons auprès du fournisseur, avec des seuils minimaux annuels de 55 000 litres de bière en fût et 38 000 € pour les autres produits. Une clause de nantissement du fonds de commerce garantissait l'exécution du contrat.
Une appréciation au cas par cas
En droit français, un contrat onéreux est nul si la contrepartie convenue est illusoire ou dérisoire au moment de sa formation (article 1169 du Code civil). Cette appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond, qui analysent les faits au cas par cas.
Dans cette affaire, l’exploitant ne prouvait pas que le prêt et le matériel mis à disposition étaient inadaptés ou surévalués. De plus, le contrat prévoyait que le fournisseur ne pouvait exiger la restitution du matériel qu’en cas d’inexécution de la clause d’exclusivité, ce qui renforçait l’équilibre contractuel.
Des décisions antérieures nuançant les critères
Les juridictions ont déjà annulé des contrats de ce type en retenant le caractère dérisoire de la contrepartie. C’est le cas notamment lorsque le fournisseur :
- se contentait de se porter caution simple à hauteur de 20 % d’un prêt bancaire, alors même qu’il était garanti par un tiers ;
- garantissait l’obtention d’un prêt bancaire, sans engagement financier réel ;
- cautionnait un prêt finalement accordé sans exiger sa garantie.
À l’inverse, une subvention de 5 000 € a été jugée suffisante dans une autre affaire, en rapport avec l’activité de l’exploitant et les montants d’achats fixés, démontrant que l’évaluation dépend étroitement du contexte économique du contrat.
Cette décision illustre la rigueur avec laquelle les juges examinent les engagements contractuels dans les contrats d’exclusivité, notamment dans le secteur des boissons. L’équilibre des obligations réciproques reste un principe fondamental pour assurer la validité des contrats commerciaux.